Du concret

En vacances cette semaine, le concret, c’est de se mesurer à la difficulté de la course qui m’attend, avec l’enchainement de longues distances et beaucoup de dénivelé. Je ne sais pas si je serai prêt et si mon corps va tenir, sans bobo, et si ce n’est pas trop tôt par rapport à mon niveau d’entraînement.
Vu la météo pourrie annoncée dans le nord-est, inutile d’aller en repérage en Suisse. Alors ce que j’avais prévu de faire début juillet, à savoir le finish de la course, avec ses 500 kms et plus de 9000m de dénivelé, je vais le faire maintenant. Je me donne 3 jours pour aller au Ventoux, faire le finish de la course avec le parcours imposé jusqu’à Nice, et revenir. Pas loin de 900 kms et dans les 13000 m de dénivelé.


Parti dimanche, car ce samedi était pluvieux, je me suis élancé de la maison, vers 7h en direction de Sault, au pied du Mont Ventoux, pour faire l’ascension et enchainer le col de Perty jusqu’à Sisteron. Juste avant le Ventoux, il y avait le col du Pointu, juste avant Apt, que je connaissais.

Après Apt, en ayant quelques difficultés à trouver du ravito, j’ai eu du mal à me remettre dans le bon chemin, 2 personnes m’indiquant un chemin qui me paraissait plus long, et puis la trace GPS qui manquait de points (problème d’openrunner – je sais qu’il n’y a pas de problème sur les itinéraires créés avec Strava -payant maintenant, ou créés par l’organisateur de la course). Et puis il y avait aussi le col de la Liguière, assez brutal au niveau de la pente proposée, sur un revêtement assez rugueux, et avec le vent, ça a été dur.

Si bien que le Ventoux, je l’ai fait en m’accrochant, déjà bien entamé, pourtant la montée depuis Sault est facile. Mais le final est toujours aussi dur.

Il y avait beaucoup de vent, en haut, et j’ai cru dans un premier temps, en voyant Route barrée, que c’était à cause du vent. Mais au Chalet Reynard, j’ai vu finalement que c’était à cause de travaux sur la plateforme, que la route était coupée, sauf pour aller au Restaurant, juste en-dessous. Prétexte ou pas, j’ai mis pied à terre, trop dur pour moi à cet instant.

Que va être la suite ?
J’ai pris mon temps, et c’est la première leçon à retenir, savoir prendre son temps, ne pas s’affoler, à un moment donné, ça va revenir. Je ne sais pas où je vais dormir ce soir, mon bivouac sera improvisé tout au long de ces quelques jours, et mon expérience passée doit me servir.
Alors je monte tranquillement, je croise des bergers locaux menant leur troupeau de moutons, avant d’attaquer l’ascension. J’échange quelques mots avec eux, ils sont beaux à voir, c’est un instant de bonheur de voir ces moments paisibles, sans voiture, sans moto, je suis tout seul sur la route et j’arrive à 22h en haut du col.

Je m’habille vite, met les jambières, le coupe-vent, je n’allume mon éclairage que maintenant, et j’enfile la ceinture croisée fluo, acquise récemment.
La descente est longue, je reprends des forces et augmente l’allure, le vent me pousse et il commence à faire froid, bientôt 300 kms et presque minuit. Il est temps de s’arrêter. Juste après le petit chemin qui me paraît être un détour avant d’arriver à Sisteron, j’arrive tout près du centre, et coup de chance, un petit immeuble avec une entrée de garage prête à m’accueillir. Je déballe le matelas auto-gonflable, le sac de survie dans lequel je glisse mon sac de couchage. Je n’aurai pas froid, et je dors assez bien, me lève à 6h et je me prépare tranquillement, en enlevant la sacoche de selle pour remettre et bien tasser ce qu’il y a dedans, et c’est ce qui permet d’avoir une sacoche bien accrochée et qui ne bouge plus quand on se met en danseuse. 6h de sommeil, ça permet de bien récupérer, c’est la bonne dose.
Je reprends la route, et quelques mètres plus loin, il y a un bar et une boulangerie. Je prends un bon café et vais aux toilettes pour me laver (gant de toilette, savon, brosse à dents, premiers soins préventifs au bepanthen – le cuissard Assos remplit son rôle). Ensuite, je vais à la boulangerie me remplir le ventre, mais pas de sandwich, c’est trop tôt.


Ce matin, je me dirige vers la Montagne de Lure, que je ne mets pas longtemps à apercevoir.

La montée est moins raide que de l’autre côté, depuis l’autre versant, la seule fois où je l’avais monté, je n’étais pas allé jusqu’en haut, au niveau du “signal de Lure”. Moins raide mais plus longue mais il n’y a pas de répit. Mais je m’en sors bien. C’est un jeu de patience, comme j’ai coutume de dire, on ne va pas vite mais on avance quand même. Et ce qui est monté va être redescendu. Et la descente est rapide, j’utilise beaucoup les freins, ça finit par faire mal aux mains.


Arrivé ensuite à Saint-Etienne-les-Orgues, je passe par Forcalquier où je me ravitaille dans une boulangerie et Oraison, avant de passer par Valensole, avec les champs de lavande, et des bonnes côtes, puis Riez, pour arriver à Moustiers mais pas directement, en passant par Puymoisson. Il fait chaud, et je m’arrête remplir les bidons et acheter quelque chose à manger au 8 à 8 local.


J’attaque tout de suite après les gorges du Verdon, avec la vue sur le lac de Sainte-Croix, le début des gorges, le col d’Ayen, … je connais la route.

Mais je n’avance pas comme je voudrais, ma moyenne kilométrique a bien baissé, et je ne sais pas jusqu’où et au bout de combien de kilomètres je vais m’arrêter cette nuit. Certainement pas 300 kms, mais ce n’est pas grave, je suis là pour m’entraîner, et je me fixe un objectif, afin que le lendemain, je puisse finir jusqu’à Nice, et enchaîner le début du retour.
Il est 19h, quand je passe par le petit chemin qui longe un lac artificiel et qui mène au col St-Barnabé. Court mais difficile, celui-là, avec une belle vue sur le lac d’un beau bleu en cette fin de soirée.


Quand la nuit tombe, je fonce sur un faux plat descendant avant de me diriger vers l’Esterel, il me semble reconnaître des coins où je suis déjà passé, et comme je n’ai pas étudié exactement les noms de communes ou cols où je devais passer, j’angoisse un peu. Il fait nuit, sur des petites routes où je suis seul, ce ne sont pas les conditions idéales pour un bivouac.
ça monte un peu, on prend de l’altitude et de la fraîcheur et puis ça finit par descendre lentement, je passe Roquesteron, le nom me dit quelque chose, et puis il commence à se faire tard et j’arrive dans un petit village, Le Villars, où au bord de la route se trouve un grand hangar, vide, qui ressemble à des locaux techniques. Très bel emplacement pour cette 2ème nuit de bivouac, propre, à l’abri, avec un peu de lumière. Là encore, je n’ai pas froid mais suis réveillé à 4h par quelqu’un qui fait du bruit en chargeant un véhicule juste en face. Quand je me lève, il est 6h bien sonnées, j’ai bien récupéré et je peux repartir tranquillement, pour cette journée que je redoute pour le dénivelé proposé.
En revanche, je commence à percevoir un peu de condensation dans le sac de survie, le sac de couchage est un peu mouillé, mais pas à l’intérieur. En l’utilisant plusieurs jours, il faudra le faire sécher, donc ça vaudrait le coup de ne pas le mettre dans la sacoche de selle mais sur le prolongateur de cintre afin de faire sécher quand je m’arrête.
Les premiers villages suivants sont Gilette puis Sigale, mais rien d’ouvert, juste une boulangerie à Sigale et une fontaine. Je continue vite ma route.
Arrivé à Saint-Martin-du-Var, la bifurcation pour suivre la trace nécessite de couper la route, c’est pour ça que j’ai contourné un peu plus loin pour reprendre la trace. Il faut rester vigilant. Pour le moment, je gère bien mon électricité, pour le compteur gps, sachant que le soir c’est réservé à l’éclairage, mais il faut que je pense à changer les cables usb, un peu tordus. Je me suis servi aussi de la batterie externe pour recharger le téléphone, qui ne s’était pas rechargé, parce-que le câble s’était débranché. Là aussi, il faut surveiller en permanence si ça recharge bien. Pour la course, j’aurai le tracker en plus à recharger.
De là, ça monte pas mal jusqu’à Levens, où je m’arrête à un café, pour me laver, aller aux toilettes, boire un café avec la baguette viennoise achetée plus tôt, et remplir mes bidons. Un peu plus loin, on franchit un col, appelé Le Col.

Une série de côtes et de descentes plus loin, on arrive à une bifurcation qu’il ne faut pas rater, direction Blausasc. Je dis ça parce-que je l’ai ratée et j’ai descendu 500 m avant de remonter la côte pour prendre une petite route qui est parallèle, c’est pour ça qu’on la rate.

On passe à proximité d’une carrière, qu’on voit d’en haut quand on arrive à Peille, où je m’arrête mais ne trouve rien pour remplir mes bidons, j’ai déjà presque tout bu, ou acheter à manger.
C’est ensuite le col de Calaïsson,

puis montée en direction du col Saint-Agnès, où on compte les kms qui restent jusqu’au sommet mais on est surpris, agréablement, quand ça commence à descendre parce-que le sommet n’est pas sur la route.

La descente mène à Menton, mais côté Roquebrune Cap-Martin. Je m’arrête manger pour reprendre des forces, et soulager mes pieds.
Je sais qu’il reste à passer au-dessus de Monaco, par la Corniche, la Turbie,

le col d’Eze avant de descendre sur Nice, et rejoindre la promenade des anglais après m’être arrêté prendre une photo du “I love Nice”.


Voilà le circuit est bouclé. Une idée concrète de ce qui m’attend dans un mois et demi.
Mais il faut déjà penser à rentrer, et je reprends vite la route, avec une envie de boire frais, je m’arrête dans une station-service boire une bière, une san pellegrino et manger un magnum. Je me dis que comme c’est plat sur des pistes cyclables, je vais essayer d’avancer à mon rythme, sachant qu’il me faudra encore le lendemain pour rentrer. Je ne suis pas assez lucide pour me rappeler la route qu’il faut prendre, je devrais passer par Fréjus mais après, je ne sais plus, Hyères. On verra bien où ça mène. Arrivé en début de soirée, avant Fréjus, l’orage éclate non loin de là, une petite averse ne m’arrête pas et arrivé au col du Testanier, la pluie s’arrête.


Je calcule la distance qu’il me reste, j’essaie d’avancer le plus possible pour diminuer le temps de selle pour le lendemain. J’arrive à Fréjus, je m’arrête manger un kebab, j’en aurais bien pris un deuxième, mais je dois repartir. Et là, je tourne en rond, ne trouvant pas la route parce-que le GPS veut me faire passer par une autre route que celle du bord de mer. Je demande ma route dans un restaurant, et trouve finalement pour passer par St-Aygulf, puis Sainte-Maxime, il fait nuit, je m’arrête pour un besoin naturel, désolé, je n’ai pas trop suivi les instructions du livre “Comment chier dans les bois”. Je repars, m’arrête dans une pizzeria encore ouverte boire un coup. Me voilà requinqué pour continuer sur Cogolin La Croix-Valmer, ça y est je reconnais la route, je vais essayer d’aller jusqu’au Lavandou. Mais arrivé à Rayol-Canadel, je suis cuit et il est bientôt minuit quand je décide de m’arrêter, je ne déplie même pas le matelas, et pionce jusqu’à 6h.
Le lendemain matin, c’est un peu raide, mais je me remets vite en route vers les 6h avec un peu plus de vigueur qu’hier soir. Je m’arrête au Lavandou prendre mon petit déjeuner et du ravito pour arriver en fin de matinée, je suis rejoint par des cyclistes de Solliès encore bien fringants pour leur âge, je discute un peu avec eux, puis arrive à Méounes, m’arrête à la fontaine, il reste 40 kms, Signes, Le Castellet, Grand Caunet, Les Bastides, j’arrive, encore 100 bornes de faites. Mes 3 jours s’achèvent : 3 jours et demi, pour faire 884 kms avec 13053 m de dénivelé, 47h44 de selle, du dimanche 7h au mercredi 11h30.

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