RÉCIT DE LA COURSE THREE PEAKS BIKE RACE 2022
Sam 9 juillet :
C’est le jour du départ. Parti peu avant 10h de l’hôtel, l’heure de départ pour moi avec la première vague de coureurs est fixé à 11h, j’ai le temps, je n’ai que 5 kms à faire pour arriver au Palais de Schönbrunn. Quand j’arrive sur place, il y a déjà quelques coureurs, Michael et les photographes sont là .
 Je salue certains coureurs que je croise, le temps passe, j’ai de la musique dans mes écouteurs, pour faire monter l’adrénaline, que je vais enlever juste avant de partir.
Le départ est enfin donné, en douceur, Michael nous donne rendez-vous dans 1 semaine… Quelques spectateurs et cyclistes locaux nous applaudissent.
Les premiers kilomètres sans surprise pour les avoir faits il y a 2 ans et il y a encore 2 jours en reconnaissance sont vite avalés et on quitte l’itinéraire obligatoire. J’ai l’impression que tout le monde prend le même chemin, le parcours est assez valloné mais je suis en forme, je me sens vraiment bien.
Puis arrive bientôt la première grosse difficulté du jour, le col de Semmering, où je rate une bifurcation et me retrouve sur la Alte strasse mais suis conforté par le fait qu’il y a d’autres coureurs devant moi, et que les pancartes indiquent bien la direction du col. Mais au bout d’un moment, je ne vois plus personne et je me retrouve dans une ferme et des chemins caillouteux… Le fermier me dit que je peux continuer par un chemin à travers les pâturages pour rejoindre la route. C’est ce que je fais, mais j’enrage car je me retrouve dans un champ avec une barrière d’arbres presque infranchissable. Néanmoins, j’entends les voitures sur la route non loin de là . J’arrive à passer à travers les arbres et vois effectivement la route. Me revoilà sur la bonne route et franchis le col, parmi d’autres coureurs.
Mon objectif est de rouler jusqu’à Lienz pour arriver le matin et pouvoir me reposer quelques heures avant de poursuivre la traversée des Dolomites après le premier Peak, les Tre Cime di Lavaredo.
J’avance pas trop mal, à mi-parcours, je suis dans les temps, jusque-là .
Dim 10 juillet :
Au petit matin, j’arrive au pied du col du Katschberg, que je redoute pour en avoir vu le profil. Je ne suis pas seul. Une légère pluie s’est invitée mais il ne fait pas froid. Ce col est un véritable mur sur les derniers kilomètres et je n’y arrive pas. Plus de jambes. J’ai déjà parcouru plus de 300 kms. Je m’accroche et finit par y arriver.
Après la descente très humide, je m’arrête à une station d’essence, en compagnie de quelques autres coureurs dont Tomas Dvorak, connu il y a 2 ans. Je prends un café et un truc à manger. Je suis bien entamé, mais normalement les 100 prochains kilomètres sont en descente ou faux-plat descendant, de quoi me refaire. Mais l’heure a avancé avec ce retard pris dans l’ascension du col précédent et la petite demi-heure au café.
Arrivé dans la vallée, j’ai encore un problème d’orientation, mais mon gps ne m’aide pas, il faut absolument resté concentré pour réagir très rapidement aux bifurcations ratées.
Je perds encore un peu de temps, fait un détour, retrouve le chemin puis dans les derniers kilomètres, c’est de la piste cyclable mais avec des secteurs gravel ou peu roulants, c’est interminable. Là encore, parmi toutes ces chemins, je me retrouve plusieurs fois à prendre le mauvais chemin, rebrousser chemin, si bien que j’arrive vers midi passé à Lienz.
Juste le temps de m’arrêter à la station d’essence repérée, de manger n’importe quoi, j’aurai fait 477 kms au lieu de 441 prévus. Si je n’avais pas fait ces détours, je serais arrivé plus tôt et aurait pu me reposer un peu plus.
477 kms D+ 4947 m Allure 20,7 km/h Déplacement 23h Ecoulé 25h23 Repos 2h (station essence ravito + 30mn assis à l’ombre).
La suite de mon dimanche :
Je repars environ 2h après, sans m’être vraiment reposé, et quand je repars, je vois Stefan Blum qui me dépasse à toute allure, là je me dis que je ne dois pas être en avance, s’il est là devant moi…
La route qui arrive est longue et en faux plat montant, sur une piste cyclable, je n’avance pas bien vite. Je vais à mon rythme en relançant quand même assez souvent, je franchis la frontière italienne après Sillian, passe par Toblach (Dobbiaco) avant de tourner à gauche pour aller sur les Dolomites.
J’arrive enfin à la bifurcation qui va vers les Tre Cime di Lavaredo, où se dresse un petit mur. Il doit être vers les 16h quand j’attaque l’ascension du Peak 1. C’est dur mais je m’accroche, j’arrive à monter, pas vite, mais je monte.
Arrive ensuite un petit replat au niveau du lac de Misurina, avant d’affronter la vraie difficulté, ca devient vraiment dur, on franchit une barrière, les 4 derniers kms sont très très pentus et suis obligé de réduire la pente en faisant du zig-zag comme d’autres coureurs ou mettre pied à terre quand je n’en peux plus.
Quand j’arrive au sommet, Michael et le photographe qui me remet en selle en me poussant, m’encouragent et je me hisse jusqu’au panneau, je n’irai pas plus loin, il doit être vers les 20h, il fait froid avec un vent glacial, je me dépêche de descendre après avoir enfilé la doudoune, le gilet de sécurité, mis en service mon éclairage.
Quand je redescends, j’ai froid, la nuit est tombée, je suis presque décidé d’aller à l’hôtel, mais tout est complet, et je me demande si je suis sur le bon chemin. Effectivement, il y a plusieurs chemins pour rejoindre Cortina d’Ampezzo, j’ai suivi le panneau au lieu de suivre la trace (en vert), je fais donc un détour. Impossible de me repérer avec le Garmin, le fond de carte tout petit et manquant de repères, je m’arrête, n’ai pas la lucidité de regarder Komoot sur le téléphone. Mais de toute façon, il est trop tard, je suis redescendu par le mauvais chemin, en tout cas, pas le plus court.
Dans la panique, je supprime la sortie du compteur par inadvertance. Il reste 15 kms jusqu’à Cortina d’Ampezzo, j’arrive au centre et un restaurant est encore ouvert. En ce dimanche soir, ils n’ont que des pizzas à proposer. Je suis preneur, avec un grand coca. Il y a 2 autres coureurs dans ce restaurant, dont un qui fait un malaise et les secours sont appelés. Rien de grave.
Avant de régler l’addition, je peux aller aux toilettes avant d’installer mon bivouac non loin de là , à côté d’une pharmacie. Mon objectif ambitieux de 7 jours s’éloigne, je vise les 8 jours, c’est plus raisonnable, pas trop le temps de calculer, je dors bien.
Belle vue au réveil, je repartirai en direction du passo Giau, passage obligatoire, puis continuerai avec ce retard qui va s’accumuler au fil des jours.
115 kms D+ 2123 m Allure 15,2 km/h Déplacement 7h30 Ecoulé 10h30 Repos (pizzeria + bivouac 5h30)
Lun 11 juillet :
Je me force à me lever pour partir à 6h, il ne fait pas trop froid.
L’ascension du passo Giau est dure, je ne connais que l’autre versant, monté en 2015, et je m’en sors bien, en étant frais, après ces quelques heures de repos. C’est vrai que ce versant est moins dur.
J’espérais trouver en haut pour prendre un café mais tout est fermé, alors je continue, trouverai un bar ouvert plus loin.
Je me sens mieux, il fait plus chaud que la veille mais ça va. Après le col de Santa Lucia, je monte le Campolongo puis passe à Corvara pour remonter le passo Gardena.
Je poursuis la route en direction de Bolzano, en passant par Prato al’Isarco, où j’avais prévu de m’arrêter la nuit d’avant, le long d’une piste cyclable où il y a le commerce que j’avais repéré. Je m’y arrête 2h pour me restaurer et me reposer. Ces pistes cyclables sont bien faites, impossible de se tromper et elles sont assez roulantes et ombragées par endroits.
J’arrive à Bolzano, c’est un peu plus compliqué, c’est un véritable réseau de pistes cyclables qui s’entrecroisent et je me trompe plusieurs fois, mais rectifie vite jusqu’à cette mauvaise direction où je mets du temps pour comprendre que je suis dans le mauvais sens. Je demande à des gens autour de moi qui me remettent dans la bonne direction. Encore un petit détour.
Arrivé à Merano, je profite d’une fontaine vers les 19h pour me laver entièrement, ça fait du bien et me changer pour le soir avec ma tenue de nuit, le gilet… Quand je repars, la piste cyclable que j’ai du mal à trouver, et que finissent par m’indiquer des gens buvant un coup à un bar, est très raide. Il fait nuit, je continue à rouler, je traverse des champs de pommiers où l’arrosage déborde sur la route et je suis vraiment bien aspergé, ne pouvant l’éviter. Ensuite commence l’ascension digne d’un col, on monte à plus de 1000 m d’altitude et toujours à travers ces champs arboricoles. La pente dépasse les 10%. Quelques kilomètres avant de m’arrêter à Eyrs, cette côte pas possible, très raide, interminable se termine et une grande descente toute aussi pentue s’amorce. Je n’aurais jamais dû passer par là , pourquoi Komoot m’a tracé ce chemin ? Surtout qu’après, on rejoint la SS38, superstrada qui n’est pas interdite aux vélos.
J’en aurai assez fait pour aujourd’hui, il est minuit passé, je trouve à côté d’un rond-point un garage où je peux me mettre à l’abri.
Je continue à perdre du terrain sur mes prévisions. Pas grave, j’aurai fait ce que je peux.
216 kms D+ 3456 m Allure 16,26 km/h Déplacement 13h17 Ecoulé 18h12 Repos 6h
Mar 12 juillet :
Après 6h de repos, il est 6h30 quand je poursuis ma route. A peine 1 km de parcouru, une bonne surprise m’attends, je vois un café déjà ouvert. Inespéré, je peux prendre un bon café et manger quelque chose, aussitôt avalé, j’en reprendrai un deuxième. Au même moment, un autre concurrent arrive, on discute un peu mais je ne sais même pas qui il est (il n’a pas mis sa casquette) ou de quelle nationalité, il paraît aussi crevé que moi, on se souhaite bon courage. Je lui demande s’il est aussi passé par le même chemin que moi la veille. Il me dit que oui.
Le premier col à passer est l’Ofenpass (ou Passo Fuorn) puis l’Ova Spin suivi du Flüelapass. Ce dernier est le plus dur. Il fait beau, il fait la bonne température, les paysages sont magnifiques.
Après 170 kms, j’arrive au Walensee, un lac que je longe lentement par une piste cyclable pas roulante du tout, et que je mets plusieurs heures à en voir le bout.
Le Pragelpass est le dernier col à passer, de nuit, pas si facile que ça. Au sommet, il y a une corde qui empêche le passage, mais ce n’est que pour les voitures, elles ne sont pas autorisées à descendre.
Arrivé à Muotathal, je m’arrête au centre du village devant une fabrique de cuisines où il y a un abri. Je vais m’installer là . Il est 1h30. Il faut que je dorme.
231 kms D+ 4024 m Allure 16,19 km/h Déplacement 14h16 Ecoulé 18h57 Repos 4h30
Mer 13 juillet :
Je suis réveillé par les premiers travailleurs dont le premier, peut-être le patron, me dit qu’il n’y a pas de problème à ce que je reste là . Il est bien tôt, 5h. Il est 6h quand je repars de Muotathal, une boulangerie est ouverte. La note est salée, 6 francs suisses pour un petit café et un croissant fourré à la crème.
Aujourd’hui je devrais franchir le Peak 2, après avoir atteint Lucerne. Je me perds, car la trace ne reflète pas ce que je prends comme route, carrefours modifiés, la cartographie est-elle à jour, c’est vrai que depuis que j’ai changé de compteur, l’autre étant tombé en panne, je n’ai pas voulu mettre à jour avant de partir, j’aurais peut-être dû le faire. Les routes que je prends sont parallèles à la trace que j’ai, alors je continue.
Je longe des lacs, le Lauerzersee puis le Zugersee, avant d’arriver à Lucerne en fin de matinée.
De là , je cherche un peu ma route, et à un moment donné, en allant de la route vers la piste cyclable, je ne vois pas une bordure de quelques cms de haut et ma roue frotte avant de me faire chuter. Une chute lourde avec un gros impact sur le haut de l’omoplate, l’ongle de mon petit doigt se déloge et je pisse le sang avec la peau arrachée. Je suis sonné, me dit sur le coup que c’est fini, que je vais devoir abandonner. Il y a des passants qui me demandent comment ça va. Je ne sais pas quoi répondre, en état de choc, je voudrais continuer mais j’ai mal. J’attends quelques minutes, 2 dames dont une qui a des pansements me soigne mon doigt, je demande s’il y a une pharmacie, pas loin, il faut s’enfiler dans des rues inconnues, tant pis, ça va aller, j’essaierai de trouver une pharmacie à Kerns, d’où on monte sur le Melchsee. Je redresse la manette droite, je peux repartir, je m’arrête à un magasin de cycles un peu plus moin, pour être sûr que je suis sur la bonne route. Arrivé à Kerns, je vais au Coop acheter à manger et ne vois que des pansements en vente. Un vendeur me propose de me soigner avec leur trousse d’urgence, c’est une vendeuse qui s’y colle, beau pansement. Il n’y a pas de pharmacie de toute façon, donc je continue.
J’arrive au pied de la montée, je demande lequel des 2 chemins qui s’entrecroisent il faut prendre, à un kiosque de souvenirs et produits locaux, où la vendeuse peut me remplir mes bidons. En repartant, je vois un autre concurrent, français, qui au bout de quelques phrases en anglais comprend qu’on est français tous les deux.
La montée du Melchsee est longue, très dure sur la deuxième partie, je vois le photographe qui m’encourage. On arrive à Stöckalp où il y a des télécabines. De là , la route est vraiment dure, je mets pied à terre quelquefois. Il fait très chaud.
Arrivé en haut, au niveau du lac du Melchsee, il y a beaucoup de monde, je longe le Tannensee, un autre lac, et vais jusqu’au bout de ma trace du côté de Tannalp, sans savoir exactement où on est attendu, j’avais mis la position GPS demandée. Personne au sommet, j’aperçois d’autres concurrents au Melchsee en redescendant.
Voilà le 2ème peak atteint, je vais redescendre par le même chemin pour aller sur le 3ème Peak. Certains empruntent un sentier pédestre, est-ce un raccourci, combien l’ont pris, je n’en sais rien.
Après avoir effectué la descente, je reprends la route à Kerns et je continue vers Interlaken en contournant le Brienzersee, ça n’est pas roulant du tout. Ensuite, j’ai le Brünigpass à passer, facile, mais auparavant une longue côte raide avant d’y arriver.
Je m’écroule vers 22h, épuisé, sans déplier mon bivy. J’y dors plus de 4h.
173 kms D+ 2629 m Allure 15,99 km/h Déplacement 10h49 Ecoulé 16h10 Repos 4h30
Jeu 14 juillet :
Je reprends la route vers les 2h30 du matin, pas très frais, et roule à faible allure. Même si je n’ai plus d’énergie, il fallait que je reparte, pour avancer. Alors je vais faire ce que je peux en prenant mon temps parce-qu’en calculant, je ne pourrai pas être en fin d’après-midi à Valsavarenche. C’est de là que je devrai pousser le vélo par un sentier montagneux, et je ne peux prendre le risque de m’y aventurer de nuit.
Je franchis le col de Sannenmöser, il y en a encore 2 après.
Le col du Pillon, pas trop dur
et le col de la Croix beaucoup plus dur, où sont passés les coureurs du Tour de France, j’en retrouve des traces. Je rencontre 2 gars en VTT qui sont originaires d’Evian avec qui je discute un peu et raconte ma course.
Au sommet, il y a une buvette. Je m’y arrête pour boire un panaché, c’est ma récompense après cet effort intense. Cette année, c’est vraiment dur.
Je commence à ne plus savoir quel jour on est. S’ajoutent les problèmes de chargement du téléphone, je finis par charger compteur et powerbank en alternance, celle-ci me servant à recharger le téléphone, car le chargement du téléphone directement ne fonctionne pas, je pense qu’il faut rouler plus vite pour que ça marche. Mais comme ça monte tout le temps et que je ne roule pas vite…
Je passe par Bex où j’avais prévu initialement de m’arrêter, après une longue descente par des petites routes. Il est 13h, il fait très chaud, il n’y a qu’un petit commerce, genre tabac journaux où je peux quand même m’acheter de quoi manger. Je liquide mes derniers francs suisses que j’avais changé avant de partir.
Je repars vite et je passe l’après-midi dans l’ascension du col du Grand Saint-Bernard, qui s’avère être un vrai calvaire. Il est vraiment très long, près de 40 kms de montée, depuis Martigny, il fait chaud, j’ai mal aux pattes et aux genoux, c’est sans répit, on est sur une route à grande circulation avec des voitures et des camions, et des tunnels qui obligent à passer par la route du col, dont le final est très dur. ça me rappelle le col du Simplon, dans le même genre. Je bats à cette occasion mon record de plus grande ascension (2006 m sur 43,65 kms entre Martigny et le sommet).
Pour en redescendre, je prends la direction Italie-Aosta, je suis la seule route possible. Arrivé à un carrefour, le gps est bien sûr perdu, moi aussi, il fait nuit, je tente de rester dans la direction d’Aoste sur la SS27 sur laquelle je suis engagé. J’arrive finalement au centre-ville après avoir demandé à des jeunes la direction du centre. Il est déjà plus de 22h30 mais il y a encore du monde à des bars. Je m’attable devant “La Patisserie” où ils peuvent me faire un sandwich, j’y bois une bière et mange une glace.
L’établissement ferme, je vais dans une rue derrière cette place, bien à l’abri pour bivouaquer vers les 1h. Je m’endors rapidement, après avoir mis en charge le tracker avec la powerbank que j’avais rechargée quasi complètement.
223 kms D+ 4279 m Allure 15,08 km/h Déplacement 14h47 Ecoulé 20h Repos 5h
Ven 15 juillet :
Comme toujours, je suis réveillé par la lueur du jour, Je repars vers 6h d’Aoste pour ma grosse journée pour faire le Peak 3, le colle del Nivolet.
Le tracker est chargé à 100%, je n’ai plus à m’en soucier cette fois. Je trouve la route facilement, direction Valsavarenche par la ville d’Introd. La route n’est pas si dure que ça, je m’attendais à pire.
Je m’arrête à Valsavarenche dans une épicerie dans laquelle je trouve du bon pain, du prosciuto et du fromage (tomme), et même du gingembre confit. Le gérant très sympa parle un peu français, il me dit que je ne suis pas très loin du lieu-dit Le Pont où les dernières côtes sont raides.
Je demande à des cyclistes italiens, qui m’ont dépassé plus tôt et que je retrouve là , par où passer pour prendre le sentier, ils connaissent bien, me disent que c’est faisable avec le vélo et me souhaitent bon courage.
C’est raide vu du bas, les premiers mètres sont faciles parce-que je peux pousser le vélo à travers les rochers. Mais au fil des mètres, le sentier monte en pente de plus en plus raide, au milieu des mélèzes et des amas de rochers, où ça glisse par endroit. Et c’est mètre par mètre que je hisse le vélo sur le rocher suivant puis me hisse à mon tour au niveau du vélo, et ainsi de suite. C’est un petit jeu très physique qui va durer 1 heure avec des pauses par moment.
Ensuite on arrive en haut de cette montagne au niveau de la Croix Roley (2314 m) après être parti d’en bas à 1963 m.
De là , peu après le croisement, je continue sur la gauche sur le sentier plus ou moins balisé n°3 qui pénètre dans le vallon de la Dora del Nivolet. Le sentier évolue au milieu d’un plateau herbeux, passe à côté des alpages du Grand Collet et du Nivolet, avant de rejoindre un chemin de terre qui devient ensuite goudronné. Le dernier kilomètre, je peux remonter sur le vélo sur un chemin en gravier pour rejoindre le lac du Nivolet, à proximité des refuges Savoia et Chivasso. Du lac, il reste 3-4 rampes à grimper avant d’arriver au panneau du col. Le 3ème Peak est atteint, une bonne chose de faite.
Ensuite commence la descente qui offre la vue splendide des lago Agnel et Serru,
puis j’atteins rapidement Ceresole Reale, où je m’arrête un bon moment à un bar pour finir pain fromage, je bois une bière et prends une pâtisserie.
C’est ensuite une longue descente qui se poursuit jusqu’aux environs de Turin, puis se raplanit en direction de Susa.
Le soir, je rencontre un concurrent autrichien (107) qui est arrêté dans un bar. Je m’y arrête aussi et discute avec lui avant de repartir.
Mon éclairage arrière branché à la batterie ne fonctionne plus, je suis obligé d’allumer l’autre feu arrière à rechargement usb. Je suis rincé. Je me retrouve sur une Super Strada que je tarde à quitter avant de rejoindre ma trace et m’arrête juste avant 1h du matin dans un petit village peu avant Susa, bien calé dans ma trace.
Je me couche juste à côté de la fontaine, le bruit de l’eau ne me dérange pas, je dors comme une masse.
179 kms D+ 2567 m Allure 14,94 km/h Déplacement 11h59 Ecoulé 18h22 Repos 6h
Sam 16 juillet :
Je repars vers 6h30. L’objectif, c’est de monter le Ventoux la nuit prochaine ou au moins d’être au pied, à Sault. Mais d’abord, il faut que je monte le col de Montgenèvre, ça grimpe régulièrement sans beaucoup de répit. Je me trompe à Oulx où il fallait tourner à gauche, et je prends en fait la direction de Modane, je ne m’en rends compte que 6 kms plus loin, 6 kms de montée pour rien, je rebrousse chemin.
Arrivé à Oulx, il y a une boulangerie où je peux prendre du ravito.
De là , la route est en pente plus raide et je m’accroche. Juste avant Montgenèvre, je prends un tunnel interdit aux vélos. Je n’ai pas vu par où il fallait passer pour l’éviter.
Arrivé au sommet, je m’arrête pour manger chaud dans un restaurant.
J’y mange des spaghettis carbonara. C’est assez rapide, ça fait du bien. Joël m’appelle ou c’est moi qui l’appelle, je ne sais plus. Il m’a promis de venir à ma rencontre au Ventoux, je lui dis de m’attendre à Sault, en lui disant de regarder ma position, ne sachant pas à quelle heure j’y arriverai.
Je reprends la route sur Briançon, puis passe à l’Argentière Bessée, le Mont-Dauphin et ensuite passe à Serre-Ponçon. Il fait très chaud, Dans la descente, avec du vent de face, il faut que je m’arrête pour faire mes besoins naturels. Je suis content, car depuis le début, je ne souffre pas de constipation comme il y a 2 ans, je mets chaque jour un demi-sachet de Movicol dans un de mes bidons, et dans l’autre bidon, une pastille de boisson isotonique (isostar), c’est le rituel du matin avant de repartir. Je n’ai pas trop mal aux pieds, les pieds qui chauffent quand ils gonflent et que le sang ne circule plus. Par moment, je m’asperge d’eau les pieds et la tête, à condition que je trouve des fontaines et des points d’eau. L’eau chauffe vite dans les bidons, cet après-midi, je bois chaud.
Un peu plus loin, je m’arrête acheter des pêches sur la route après Embrun, passe à Chorges et prend à manger et à boire à cette grande boulangerie près de la route, où je me suis déjà arrêté lors de sorties précédentes.
De là , je roule sur des routes en faux-plat descendant, et je n’ai plus à pédaler sur de longs kilomètres pour avancer.
Après Tallard, je poursuis la route et prend les gorges de la Méouge, et finis par atteindre Séderon, pour monter le col de Malcuègne, et je fais encore une halte à un bar ouvert à cette heure tardive.
A minuit, au col de l’Homme mort, Joël venu me supporter pour la montée du Ventoux me rejoint là , pour ne pas attendre à Sault que je ne rejoindrai qu’à 1h passés en passant par Ferrassières.
Une bonne pause qui me fait du bien à lui raconter mes déboires de la journée. Je repars, revigoré, il m’a indiqué le chemin par où il est passé. Il rentrera dans la nuit chez lui. Merci Joël, vraiment !
Je rejoins enfin la place du village en face l’office du Tourisme, après avoir traversé tout le village de Sault, depuis le camping, et m’arrête là , prêt pour affronter le Ventoux le lendemain. Je me couche dans mon bivy sur mon matelas, il y a un peu de bruit, d’abord un sanglier qui retourne toutes les poubelles, puis des jeunes à vélo qui parlent fort, et à 4h du matin, réveil brutal, je reçois un sac plastique rempli de glaçons jeté depuis la route par des tarés qui hurlent en passant en voiture… J’arrive à me rendormir après avoir secoué les gouttes d’eau glacée sur le bivy.
269 kms D+ 3319 m Allure 18,07 km/h Déplacement 14h53 Ecoulé 18h47 Repos 6h
Dim 17 juillet :
Ce matin, c’est l’ascension du Mont Ventoux, j’ai eu froid, pour le peu que j’ai dormi, avec des allemands se préparant à grimper qui m’ont réveillé à 5h, il me semble qu’il y a du vent et je prends mon temps pour ne repartir qu’à 7h, je me repose encore en me disant qu’il fera moins froid.
Effectivement une fois sur la selle, je m’arrête 2 fois pour enlever les couches de trop. Je ne vais pas vite mais j’y arrive sans trop de souffrances.
J’achète quelques bonbons au sommet, ça me fait tenir jusqu’à Malaucène, je descends prudemment, la chaussée s’est vraiment dégradée, je l’avais constaté début juin lors de ma reconnaissance. Il vaut mieux descendre le matin que l’après-midi avec le goudron qui fond.
Après un arrêt boulangerie et café, à Malaucène, je me dirige vers le Col de Perty quand je vois surgir Patrick Blanc venu en moto pour me supporter, peu avant Buis-les-Baronnies.
Je m’arrête 2 minutes pour discuter avec lui, le remercie d’être venu jusque-là pour m’encourager, en pensant que c’est de la folie, comme Joël la veille, mais ça fait du bien de voir tout le monde me supporter, je n’ai pas trop le temps de regarder WhatsApp le groupe “Three Peaks Bike race” que j’ai créé et qui rassemble une trentaine de personnes du club, amis, anciens collègues, famille.
Je repars, motivé à bloc, cette fois.
Je remplis mes bidons à chaque fois que je peux dont une fois à une fontaine derrière un bar qui était fermé mais qui accepte quand même de me servir à boire, puis dans le dernier hameau avant de commencer la grimpée du col de Perty que je connais bien. C’est un col qui n’est pas trop dur et régulier. Je le monte sans problème.
Ensuite c’est la descente et du faux-plat descendant, j’arrive à Sisteron vers les 17-18h et prend des boissons à un bar et mange ce que j’ai, avant de repartir à 19h pour monter la montagne de Lure, que je redoute.
Le soleil s’est couché, j’ai repris des forces et je monte beaucoup mieux que les dernières fois, en moins de 2h c’est plié et il fait nuit quand je descends. Un sanglier traverse la route, il est à 5-6m de moi quand je passe, je n’ai pas eu le temps de prendre peur, je roulais prudemment car je me méfiais.
Arrivé à St-Etienne-les-Orgues, quelqu’un assis là , cherchant le frais en cette heure tardive, m’indique la fontaine que je cherche, l’eau est fraîche. Je continue dans la nuit, je ne sais pas jusqu’où je vais pouvoir aller, j’ai l’intention d’en finir demain soir, à tout prix. Je pense à mon retour pour me motiver.
236 kms D+ 4089 m Allure 16,24 km/h Déplacement 14h32 Ecoulé 17h25 Repos 1h
Lun 18 juillet :
Je vais jusqu’à La Brillane, il est 1h, je suis fatigué, je m’allonge sans vraiment dormir pendant 1h avant de reprendre la route.
Après avoir changé de trace sur le compteur, je continue la route, bien décidé à en finir. Je passe Valensole assez facilement, puis j’arrive à Moustiers vers 6h30. Il n’y a rien d’ouvert, cette fois, il faut que j’aille jusqu’à La Palud/Verdon pour y trouver du ravito dans des commerces et des bars.
Mais je n’y arrive pas, je chancelle 3-4 fois avant de décider de m’arrêter sinon je vais tomber dans le précipice. Il reste 7 kms jusqu’à La Palud. Je m’adosse au parapet avec le vélo couché par terre. Une camionnette s’arrête à ma hauteur, me demandant si tout va bien. Le jeune qui conduit me propose des barres dans sa trousse d’urgence quand je lui dit que je n’ai pas dormi et surtout que je n’ai plus rien à manger. Il me propose alors un bout de son gâteau énergétique, super sympa, ça me requinque, j’arrive rapidement au col d’Ayen puis à La Palud/Verdon et m’arrête à un bar où on vend toutes sortes de choses à manger.
Je mange la moitié de ce que je prends, avec un bon café, le reste dans la musette.
Cette fois, c’est le final. J’ai déjà décidé depuis quelque temps de ne pas faire la route des crêtes du Verdon, trop dur, avec plusieurs passages à 15%, la dernière fois que j’avais fait cette route, j’avais eu beaucoup de mal. J’ai les genoux trop douloureux. Et je veux arriver à tout prix à la maison ce soir, alors tant pis, j’assumerai la pénalité infligée.
Je m’arrête de nouveau reprendre un café à Castellane car je sens que le sommeil reprend le dessus.
Je franchis le col de Saint-Barnabé, sans trop de problème, en m’accrochant, car il fait déjà chaud. Je connais bien la route pour l’avoir fait au moins 3 fois en reconnaissance ou lors de la course d’il y a 2 ans.
Mais c’est la fournaise qui m’attend l’après-midi, de la Clue d’Aiglun (col de Pinpinier) jusqu’à Nice, il n’y a plus d’eau dans les fontaines et c’est le désert sur ces routes traversées où il n’y a que des hameaux.
J’arrive à trouver une fontaine avec un petit filet d’eau, et j’ai la musette pleine.
Le final pour arriver à Nice par Conségudes est dur puis Bouyon, le Broc, Gattières, Saint-Laurent-du-Var défilent lentement.
J’arrive enfin sur la promenade des Anglais, vers les 18h10, content d’en finir mais satisfait et fier d’y être arrivé.
Michael me prend en photo, il y a 2 autres concurrents, allemands, ils me congratulent. J’ai la tête d’un coureur de Paris-Roubaix, éreinté et poussiéreux mais avec le sourire.
Après une brève discussion, et la fameuse bière de l’arrivée, il me remet l’affiche d’Alex Hotchin, cadeau pour le finisher que je suis.
Maintenant, c’est une nouvelle course pour essayer de trouver un train et rentrer à la maison. Je me dirige vers la gare, arrive à prendre un train pour Toulon, il n’y a plus de train pour Cassis, on vient me chercher pour rentrer à la maison, où la première chose que je fais est de prendre une douche.
221 kms D+ 3073 m Allure 16,29 km/h Déplacement 13h34 Ecoulé 15h57
Epilogue :
Il a été difficile de se remémorer tous ces évènements, entre les données sur Strava, ma mémoire, les quelques photos que j’ai pris, quelques photos des photographes, quelques images récupérées sur internet des lieux où je suis passé, et que je n’ai pas pris en photo, les cols que j’ai franchi de nuit n’auront pas été immortalisés, bref, j’aurai donc fait 2340 kilomètres (260 km par jour), atteint presque 35000 m de dénivelé (3900 m par jour), j’arrive en 63ème position mais en ayant occulté la route des crêtes du Verdon, je serai reclassé après les pénalités qui me seront infligées, le tout en 9 jours, 7 heures et 12 minutes. J’aurai passé les 2/3 en course et 1/3 à l’arrêt, dont 38h30 à dormir en 9 nuits traversées (4h16 par nuit en moyenne), le reste à m’arrêter démonter et remonter les sacoches, pour me changer, enfiler mon gilet de sécurité, ou me préparer pour dormir, gonfler/dégonfler le matelas, déplier/plier le bivy, me laver, faires mes besoins, acheter à manger et à boire, manger et boire, pas mal de fois à des bars, que 2 fois dans des restos, chercher mon chemin, me remettre de ma chute, me faire soigner mon petit doigt, refaire les pansements, remplir mes bidons, lubrifier ma transmission, échanger sur les réseaux sociaux, prendre des photos… soient 2 fois plus que prévu. Mon allure faible et mes temps d’arrêt plus longs que prévus expliquent l’écart entre ce que j’avais prévu de faire et ce que j’ai réalisé.
J’ai franchi quelques 28 cols, dont 7 de plus de 2000 m.
Le vainqueur de cette année est le lituanien Justinas Leveika habitué des podiums dans ce genre d’épreuve, arrivé en 5 jours 6 heures et 31 minutes.
Je suis rentré fatigué de cette aventure, ce qui me conforte dans l’idée d’arrêter de faire ce genre d’exercice, mais c’était déjà ma décision avant-course, et surtout meurtri, avec quelques blessures qui font mal, ma chute ne m’a rien cassé mais j’ai de grosses contusions sur l’omoplate, au niveau d’une côte et dans le haut du dos, les premières nuits, je me suis aperçu que c’est en position allongée que c’est le plus douloureux, donc impossible de dormir correctement, réveillé plusieurs fois dans la nuit, ce n’est pas comme ça qu’on récupère bien, et dans mes rêves, je roule encore.
Mon doigt me fait mal, il faudra plus d’une semaine pour que ça s’apaise, après avoir enlevé l’ongle, il repoussera, mais il faut que les chairs se reconstituent. Les pieds, c’est la plante des pieds qui fourmillent, les ongles abîmés, je reste en tongues, donc ça va, les jambes, ça va, pas de douleur musculaire, les tendons des genoux sont un peu douloureux mais rien de grave, le bout de mes doigts de la main gauche sont insensibles, j’ai la bouche pâteuse et sèche, ça commence à aller mieux.
Au niveau de mon appétit, je suis affamé, je mange comme quatre, et on m’a conseillé de prendre des multi-vitamines, car je dois avoir des carences, et une seule carence pourrait provoquer d’autres pathologies. Je prends 2 gélules matin et soir de ce complément alimentaire Azinc.
Au bout d’une semaine, j’ai repris 3 kilos, passant de 65 à 68kg. A moi maintenant de me surveiller et de revenir à une alimentation complète mais moindre, et de reprendre l’exercice, le vélo.
Je l’ai nettoyé le week-end suivant mon retour, d’abord pour enlever les bandes réfléchissantes défigurant le vélo, puis minutieusement nettoyé toutes les parties collantes, le vinyl posé avant les bandes réfléchissantes ont permis de ne pas enlever la peinture, j’ai enlevé l’éclairage et les câbles, remplacé la roue à moyeu dynamo, et enlevé le prolongateur de cintre. J’espère reprendre en cette fin de semaine, puis retrouver le rythme, progressivement.